Camden, tome 2: Le maître des poupées (French Edition) by Pauline Andreani

Auteur:Pauline Andreani [Andreani, Pauline]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: éditions du Petit Caveau
Publié: 2016-11-20T23:00:00+00:00

Règle numéro cinq : « Il n'est jamais trop tard pour changer »

Il ne devait pas être loin de 16 heures lorsqu’il regagna la pension où il s’était installé quelques semaines plus tôt. Peter Ashtray, la mine grise et mauvaise, des poches sous les yeux, découvrit l’écharpe qui enroulait sa tête comme un turban et la laissa pendre sur ses épaules. Ouvrant la porte, il aperçut un jeune homme qu’il n’avait encore jamais vu depuis son arrivée dans cette pension lugubre. Il le salua brièvement et voulut rejoindre sa chambre quand ce dernier l’interpella.

— Y a une lettre pour vous, M’sieur.

Sur un « hurm » peu convaincu, Ashtray allongea le bras, se saisit de la missive, en observa le cachet et écarquilla les yeux, frappé d’une réelle surprise.

— Ce... c’est arrivé quand ?

— J’sais pas, ajouta le gosse en haussant les épaules, c’matin, j’crois ben...

Ashtray ne le remercia qu’à demi-mot, s’engouffra dans sa chambre et ferma la porte à clé. Se prélassant sur le matelas du lit défait, Saffron prenait des poses de chatte au soleil tandis qu’elle s’étirait de tout son long. Sa peau maigre se tendait sur ses os comme celle d’un tambour sur son cadre. La jeune spectre redressa la tête dans sa direction, et minauda avec un léger sourire :

— Alors, rouquin ? Combien t’as descendu d’poivrots aujourd’hui, hein ?

L’autre ne lui répondit que par un hochement de tête perdu, flou, l’air désemparé face à ce qu’il tenait entre ses mains. Il n’eut que la porte pour le retenir de chuter. Soudain, ses yeux se braquèrent sur elle et, comme fou, il ajouta :

— Il... c’est l’inspecteur Reynolds...

Elle rehaussa un sourcil.

— Et alors ?

— Et alors ?! Il... il veut me voir pour... pour...

Il avait peine à le dire et surtout à le croire. Incapable de museler sa nervosité, ses mains tremblaient si bien que la feuille vibrait entre ses doigts.. Et bien qu’il essayât de se contenir, ses traits n’en étaient pas moins révélateurs. Ashtray bouillonnait d’une joie nouvelle. Il dit dans un souffle :

— Tu te rends compte de ce que ça veut dire, Saffron ?...

— Quoi ? trancha-t-elle méprisante, ils ont retrouvé les assassins d’ta femme et d’tes mômes, et alors ? Ca fait quoi ? Tu les r'veras plus en tout cas et ça les f'ra pas r’venir, tu l’sais bien...

Il eut un regard plus dur.

— Je le sais.

— Alors pourquoi tu vas voir c’mec ? Pour t’faire du mal ? Tu devrais enterrer cette histoire une bonne fois pour toutes. Et puis...

Elle se leva du lit à cet instant pour aller le rejoindre. Elle étendit les mains et les déposa le long de ses joues pour mieux le forcer à la regarder. Puis avec un murmure plus doux, presque irréel, il demanda :

— On n’est pas bien tous les deux ? Hein ? C’est pas c’que tu voulais ?

— Je...

— Regarde-moi. C’est pas ce que tu voulais ?

Ses iris clairs accrochèrent les siens l’espace d’un instant. Il lui répondit :

— Combien de personnes ai-je tuées ?

— Oh pitié.

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